Commentaire de la Loi 11/2020, du 18 septembre, sur les mesures urgentes concernant l’encadrement des loyers des baux d’habitation et la modification de la Loi 18/2007, de la Loi 24/2015 et de la Loi 4/2016, relative à la protection du droit au logement.

Commentaire de la Loi 11/2020, du 18 septembre, sur les mesures urgentes concernant l’encadrement des loyers des baux d’habitation et la modification de la Loi 18/2007, de la Loi 24/2015 et de la Loi 4/2016, relative à la protection du droit au logement.

Commentaire de la Loi 11/2020, du 18 septembre, sur les mesures urgentes concernant l’encadrement des loyers des baux d’habitation et la modification de la Loi 18/2007, de la Loi 24/2015 et de la Loi 4/2016, relative à la protection du droit au logement.

Le 18 septembre, le Parlement de Catalogne a approuvé la loi 11/2020, qui établit des mesures de l’encadrement des loyers des baux d’habitation qui se situent dans les zones déclarées de marché tendu. La loi impose une double limitation sur le prix des contrats : le prix de référence (déterminé et publié par le département de la Generalitat de Catalunya compétent en matière de logement) et le prix qui apparaît dans le dernier contrat (mis à jour avec l’indice de garantie de compétitivité). 

Cette nouvelle loi est adoptée suite à l’abrogation du décret-loi 9/2019, du 21 mai, sur les mesures urgentes pour contenir les revenus dans les contrats de location de logements, approuvé l’année dernière par la Generalitat de Catalunya, mais qui n’a pas été validé par le Parlement. 

Motifs de la Loi 11/2020.

Le contrôle des loyers des baux d’habitation, développé par le Parlement de Catalogne, répond à une situation actuelle de crise du logement en Catalogne, qui ne permet pas à tous les citoyens de jouir du droit à un logement décent et abordable.

Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs :

  • le déficit historique du budget des politiques de logement social et de logement public, surtout par rapport aux autres pays européens voisins;
  • l’afflux de capitaux internationaux dans les investissements immobiliers;
  • la rétractation de l’accès à la propriété et, par conséquent, l’augmentation de la demande de logements locatifs;
  • la courte durée des contrats de location en Espagne;
  • le rapport anormal entre le loyer et le revenu familial;
  • le développement du tourisme de masse et des plateformes de logement touristique, notamment à Barcelone et sa métropole, qui a fait baisser l’offre locative et les prix ont augmenté de manière significative (bien que la tendance soit limitée par la pandémie COVID-19 et la politique d’inspection des résidences de tourisme illégales à Barcelone).

Ces facteurs, entre autres, ont conduit à une augmentation croissante des revenus locatifs (30% au cours des cinq dernières années) et des expulsions pour non-paiement des loyers ; tout cela motivant l’adoption de la Loi 11/2020.

Objet de la Loi 11/2020.

Nous n’étudierons pas dans ce post la législation concrète et détaillée de la nouvelle Loi 11/2020, mais nous résumerons ladite loi de la manière suivante :

La Loi 11/2020 s’applique aux logements loués destinés à la résidence permanente du locataire et situés dans une zone déclarée de marché tendu.

Cette loi exclut certains contrats de location de logements soumis à des régimes exceptionnels, tels que ceux signés avant 1995 ou ceux de protection officielle.

Dans les contrats entrant dans le champ d’application de la loi, il est établi que le loyer convenu au début du contrat est soumis à deux conditions :

  • Il ne peut dépasser le prix de référence pour la location d’un logement aux caractéristiques similaires dans le même environnement urbain,
  • Il ne peut non plus dépasser le loyer inscrit dans le dernier bail, mis à jour par l’indice de garantie de compétitivité.

Inspiration d’autres modèles européens.

La Loi 11/2020 s’inspire d’autres législations européennes mises en place pour faire face aux difficultés d’accès au logement, comme c’est le cas en France ou en Allemagne. En ce sens, on peut dire que le droit catalan copie une grande partie du régime actuellement en vigueur en Allemagne :

  • D’une part, l’indice de prix de référence établi par la Loi 11/200 est proche du Mietspiegel en vigueur dans toute l’Allemagne, qui établit des prix de référence en fonction de différentes caractéristiques du logement : superficie, emplacement, année de construction et équipements (ascenseur, etc).
  • D’autre part, la limitation du loyer à celui prévue dans le bail précédent, mis à jour par l’indice de garantie de compétitivité, est similaire au Mietendeckel établi pour la ville de Berlin, et qui consiste en une congélation des loyers pour une durée de 5 ans.

Réflexion sur la constitutionnalité de la Loi.

 Cette nouvelle loi soulève des doutes sur sa constitutionnalité, quant aux deux aspects suivants :

D’une part, en ce qui concerne l’éventuelle violation des droits de propriété : 

La nouvelle loi vise à mettre en place « un équilibre raisonnable entre le devoir de respecter l’intérêt patrimonial du propriétaire et la fonction sociale de la propriété urbaine » (régi à l’article 33 de la Constitution espagnole) tout en respectant le droit à un logement décent et suffisant (protégé par l’article 47 de la Constitution espagnole).

Pour justifier l’existence de cet équilibre, l’exposé des motifs de la loi précise que « la jurisprudence constitutionnelle a rappelé que le contenu essentiel de la propriété immobilière exige de concilier le droit du propriétaire à recevoir un profit économique raisonnable pour ses actifs, garanti par cette loi, avec l’accomplissement de la fonction sociale du bien destiné au logement,ce qui peut impliquer l’imposition de conditions et de restrictions adaptées à la nature de ladite fonction sociale établie par la Constitution ».

Cependant, cette loi pourrait être contraire à la doctrine de la Cour européenne des droits de l’homme qui, conformément à l’art. 1 du Protocole, établit un principe de « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général et la protection des droits de propriété, selon lequel l’État ne peut imposer de charges excessives et disproportionnées aux propriétaires (entre autres, affaire UTTEN-CZAPSKA c. Pologne, 19 juin 2006)

D’autre part, la loi pourrait entraîner une invasion des pouvoirs de l’État :

Comme le prévoit la troisième disposition finale, la loi est édictée dans le cadre de l’exercice de deux pouvoirs de la Generalitat de Catalunya : en matière de droit civil et en matière de logement établis respectivement par les articles 129 et 137 de l’Estatut d’Autonomia de Catalunya (EAC), ainsi qu’en matière de règles de procédure spécifiques qui découlent des particularités du droit matériel de la Catalogne, conformément à l’art. 130 EAC.

Cependant, le Consell de Garanties Estatutàries de Catalunya, dans son avis 7/2020, considère que la plupart des dispositions de la loi ne sont pas liées au statut d’autonomie de la Catalogne et violent la Constitution espagnole, en termes de compétence de l’État en matière de législation de base des obligations contractuelles, notamment quant aux baux d’habitation.

Ainsi, il faudra être attentif à la jurisprudence constitutionnelle qui est dictée à propos de cette loi afin de voir dans quelle mesure elle s’adapte au contenu essentiel du droit de propriété, et à l’étendue des compétences contenues dans le statut d’autonomie de la Catalogne.

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